Photo of J. Krishnamurti

Comme un poteau indicateur,  je ne fais qu’indiquer la direction. Le panneau indicateur n’est pas du tout important. Ce qui est important, c’est la personne qui fait le voyage. L’orateur n’est pas un gourou, il n’est pas une autorité, il n’est pas un guide. Il faut entreprendre seul le voyage intérieur, non pas comme une réaction pour s’éloigner des choses extérieures, mais comme le processus inévitable pour essayer de comprendre.

C’est peut-être une contradiction que des biographies aient été écrites sur Krishnamurti, étant donné son insistance à dire qu’il “n’est pas du tout important”. Dans cette optique, et compte tenu des nombreuses informations disponibles sur l’internet, nous ne donnons ici qu’un bref aperçu des aspects de sa vie. (Veuillez consulter notre Introduction sur Krishnamurti pour un synopsis de ses enseignements).

Du début des années 1930 jusqu’à sa mort en 1986, Krishnamurti a voyagé dans le monde entier pour donner des conférences à de larges audiences. Il avait aussi de grandes discussions publiques avec son audience, qui se sont transformées en séances de questions-réponses en 1979. Se fondant non pas sur des connaissances, mais sur sa propre compréhension de l’esprit humain et sa vision du sacré, il communiquait toujours un sentiment de fraîcheur, bien que l’essence de ses enseignements soit restée inchangée au fil des décennies. Il n’utilisait jamais de notes et ne planifiait jamais ses conférences, trouvant toujours de nouvelles voies et de nouveaux angles pour explorer et communiquer. En plus de ces remarquables réunions publiques, Krishnamurti rencontrait des individus ou des petits groupes intéressés par l’exploration par le dialogue, notamment des enseignants et des étudiants, des scientifiques, des psychologues et des personnalités religieuses. Il a également participé à de nombreuses interviews à la télévision et à la radio.

On a dit que Krishnamurti était protégé des problèmes quotidiens auxquels l’humanité est confrontée, mais il avait une conscience aiguë des questions et des problèmes du monde qui nous touchent tous. Il a sans doute été influencé par certaines des expériences qu’il a vécues au début de sa vie, notamment le mal du pays et la solitude lors de son arrivée en Angleterre, la déception d’avoir échoué aux examens d’entrée à l’université, la misère que peut causer la jalousie des autres, la perte de la foi, la désillusion, l’embarras d’être vénéré ouvertement, mais aussi d’être la risée de tous, la publicité négative, l’agonie physique intense, la grave anxiété concernant la santé de son frère Nitya et, surtout, le chagrin dévastateur qu’il a ressenti à la mort de ce frère. Mais comme l’a dit sa biographe Mary Lutyens, aucune expérience n’a dû être répétée pour qu’il en tire toutes les leçons. Des événements qui pouvaient marquer certains à vie ne semblaient pas toucher Krishnamurti de la même manière, ou bien ils devenaient une source de la profonde compassion qu’il ressentait envers l’humanité. Peu de temps après la mort de son frère, il a dit :

Une force nouvelle née de la souffrance palpite dans les veines, et une sympathie et une compréhension nouvelles naissent de la souffrance passée. Je sais maintenant, avec plus de certitude que jamais, qu’il y a une vraie beauté dans la vie, un vrai bonheur qui ne peut être brisé par aucun événement physique, et un grand amour qui est permanent, impérissable et invincible.

 La mort de Nitya a également contribué à sa perte de foi dans la Société Théosophique qui l’avait amené en Europe à un jeune âge. On attendait de lui qu’il devienne le nouvel “Instructeur du monde”, qu’il fasse partie d’une lignée à laquelle la Société croyait. Au cours des années 1920, Krishnamurti est de plus en plus désillusionné par l’approche consistant à chercher l’aide ou le salut chez les autres, et par la prédominance des cérémonies et des hiérarchies établies par les théosophes. Alors qu’il prenait de l’assurance dans ses discours, il s’aperçut que les gens se servaient de lui comme d’une béquille, ce qu’il répugnait, sentiment qu’il gardera toute sa vie. En 1928, il déclare : “Je n’ai pas de disciples. Il n’y a aucune compréhension dans le culte de la personnalité. Toutes les cérémonies sont inutiles pour la croissance spirituelle”. L’année suivante, il dissout l’Ordre de l’Étoile, l’organisation établie pour la venue de “l’Instructeur du monde”. Dans son discours de dissolution, il dit :

 La vérité est un pays sans chemin, et vous ne pouvez pas l’approcher par quelque chemin que ce soit, par quelque religion, par quelque secte que ce soit. … La vérité ne peut pas être abaissée, mais l’individu doit faire l’effort de s’élever vers elle. … Je désire libérer l’homme de toutes les cages, de toutes les peurs, et non pas fonder des religions, de nouvelles sectes, ni établir de nouvelles théories et de nouvelles philosophies. … Pendant deux ans, j’ai réfléchi à cela, lentement, soigneusement, patiemment, et j’ai maintenant décidé de dissoudre l’Ordre. Vous pouvez former d’autres organisations et attendre quelqu’un d’autre. Je ne me préoccupe pas de cela, ni de créer de nouvelles cages, ou de nouvelles décorations pour ces cages. Mon seul souci est de rendre l’homme absolument, inconditionnellement libre.

 Ce discours a donné le ton pour les décennies à venir, nombre de ses conférences étant axées sur l’autorité, la dépendance intérieure, la vérité, le nationalisme, la religion et l’ambition pour ne citer que quelques exemples. Dans les années 1930, de grandes tournées de conférences sont organisées par ceux qui sont restés avec lui après la rupture avec la théosophie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il ne peut pas voyager et vit tranquillement à Ojai, en Californie. Après la guerre, il a continué à voyager là où il était invité, ce qu’il a continué à faire pendant des décennies, jusqu’à moins de deux mois avant sa mort en 1986. Le nombre de pays qu’il a visités a diminué avec l’âge, mais il a continué à parler aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suisse et en Inde. Pendant toutes ces années de voyage, il n’avait pas de domicile à proprement parler mais passait de plus en plus de temps à Ojai, Brockwood Park et Madras (Chennai). Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il parlait, Krishnamurti a répondu :

Quand on voit quelque chose de vrai et de beau, on veut en parler aux gens, par affection, par compassion, par amour. Pouvez-vous demander à la fleur pourquoi elle pousse, pourquoi elle a un parfum ? C’est pour la même raison que l’orateur parle.

 Krishnamurti nous a laissé un profond héritage. Au cours des années de plus en plus de conférences, entretiens, discussions et conversations ont été enregistrés, d’abord par des sténographes, puis sur des bandes audios et vidéos. Ces enregistrements forment un corpus vaste et unique : environ 600 enregistrements vidéo et plus de 2 500 enregistrements audios. Les archives conservent les transcriptions de plus de 5 000 événements où il a parlé à un public. Plus de 80 livres ont été publiés, indépendamment et par des éditeurs renommés, et ont été traduits en 60 langues. Tout ce matériel, ainsi que les écoles et les centres qu’il a créés, et les efforts des Fondations Krishnamurti, garantissent que Krishnamurti sera connu pour les générations à venir.

 De nombreuses biographies ont été écrites sur la vie de Krishnamurti. Les plus connues sont les trois volumes écrits par Mary Lutyens : Les années d’éveil, Les années d’accomplissement et La porte ouverte. Ils ont été abrégés plus tard en un seul volume : Vie et mort de Krishnamurti. Pour une perspective indienne, voir Krishnamurti : Une Biographie de Pupul Jayakar. On trouvera des récits détaillés de la vie quotidienne de Krishnamurti dans le livre inachevé de Mary Zimbalist, In the Presence of Krishnamurti tandis que Krishnamurti : 100 Years est constitué d’entretiens avec les personnes avec lesquelles il est entré en contact et dont la vie en a été profondément affectée (ces deux derniers livres ne sont pas encore disponibles en français).

Photo of J. Krishnamurti